Dans un restaurant, une femme brune. Un livre.
Juchée sur un tabouret, la femme dévore son roman. Rien d’autre n’existe.
Sur le guéridon, devant elle, les vestiges d’un repas. Une feuille de salade. Quelques frites. Des miettes de pain. Un verre de vin à moitié plein. Et à côté de l’assiette, un smartphone dont elle caresse l’écran de temps à autres. Attend-elle un message? Un appel? A moins qu’elle surveille l’heure?
De l’autre côté, un second tabouret. Vide. Personne n’ose s’approcher.
Quand elle lève la tête, son regard se porte sur l’horizon. Un regard qui vous transperce plus qu’il vous traverse. Un regard qui lance des éclaires. Un regard qui annonce la couleur. Noir.
Donc, la femme lit son roman. Et personne n’a envie de l’importuner car elle force le respect. Les cheveux mi long. Le dos bien droit. Les pieds posés sur la barre du tabouret. Toute de noir vêtue.
Le monde qui l’entoure ne la concerne pas. Seul compte le livre. Un format de poche. Au titre qui reste caché. Son index tourne les pages. On peut distinguer un ongle rouge, du même ton que ses lèvres. Rien n’est laissé au hasard.
Le temps passe. La femme lit.
Une blonde entre. Élégante. Elle survole les lieux du regard avant de se diriger vers la femme brune. Le tabouret vide l’accueille.
Aucune des deux ne parle. Elles se jaugent. Quelque chose flotte dans l’air. Les mots semblent inutiles.
La scène dure. Les minutes s’écoulent. Le livre est désormais posé sur le guéridon.
La blonde pose une main dessus. Elle le tourne, examine la couverture, esquisse un sourire. Ses ongles roses griffent le carton.
La brune tend le bras, semble vouloir s’emparer du verre, hésite, pour finalement effleurer la main offerte.
Les doigts se rencontrent, se resserrent, s’entrelacent.
Du rouge.
Du rose.