Premier interrogatoire. Josiane Laquiche. La mamie au jogging fuchsia qui se présente en larme, introduite par l’aimable assistante de la détective.
Madame Laquiche pleure. Choupette était tout pour elle : une amie, une enfant, une compagne, une confidente.
‒ Comment je vais faire maintenant ? sanglote-t-elle.
Virginie attend la fin des lamentations pour poser sa première question. Contre toute attente, cette histoire la déstabilise. Elle cherche un angle d’attaque, une stratégie. Peu adepte des romans policiers, elle doit se fier à ses souvenirs cinématographiques ou télévisuels. Comment réagirait Columbo dans une telle situation ? Il commencerait par compatir. Puis il parlerait de sa femme avant de poser une question anodine.
Hélas, l’enquêteur à l’imper froissé sévissait pendant son enfance. Les souvenirs restent flous. Elle va devoir improviser pour se fier à son instinct.
Le dispositif choisi par la directrice lui convient. Une table ronde pour poser son cahier à petits carreaux. Des chaises pour recevoir les témoins. Le reste des viennoiseries et du café pour rassurer. Un stock de bouteilles d’eau pour hydrater les gosiers. Sans oublier le stylo bleu, l’outil indispensable à tout détective qui se respecte. Ne manque que le bottin qui ne laisse pas de traces sur les têtes des suspects. Qui possède encore un bottin de nos jours ?
‒ Avez-vous contacté un vétérinaire ? demande-t-elle en tirant un trait sur le cahier.
‒ Pour quoi faire ? Choupette est morte. Elle ne respire plus.
‒ Pour procéder à une autopsie.
‒ Jamais de la vie. Personne ne touchera à Choupette.
‒ Cela permettrait d’identifier la cause du décès.
‒ Elle a été empoisonnée. Et je connais le coupable.
Josiane Laquiche accuse Julien Taloche, le réceptionniste.
‒ Il a mis de la mort-aux-rats dans les boulettes.
Virginie temporise, se verse un verre d’eau. Elle a refusé d’examiner le corps de la chienne. D’une part, elle ne connaît rien aux animaux et d’autre part, la mort l’effraie. D’accord pour jouer à l’enquêtrice, mais pas question de tripoter un cadavre.
‒ Vous avez vu comment il m’a traitée hier soir ? Cet homme est un psychopathe.
‒ Il était peut-être fatigué par sa journée de travail.
‒ Il ne fait rien. Et même si c’était le cas, ce n’est pas une raison pour empoisonner ma pauvre Choupette.
Virginie griffonne sur son cahier. À peine commencée, son enquête serait-elle terminée ? Quelle poisse !
‒ Quel âge avait Choupette ?
‒ Quinze ans. On a fêté son anniversaire la semaine dernière. Je lui ai offert un manteau pour l’hiver. Elle était tellement contente.
‒ Elle a peut-être été victime d’une attaque cardiaque. Vous devriez consulter un spécialiste.
‒ Jamais !
‒ Qu’allez-vous en faire ?
‒ La ramener chez nous pour l’inhumer dans le jardin. Je vais commander un taxi. Je vous préviens. Je ne partirai pas tant que ce malade sera en liberté. Nous devons l’empêcher de recommencer. C’est un tueur en série. Il massacre les chiens.
La conversation s’étire ainsi pendant de longues minutes autour du même thème. Madame Laquiche n’en démord pas. Julien Taloche est coupable. Il mérite la perpétuité, et pourquoi pas, l’échafaud.
‒ De tels monstres n’ont pas le droit de vivre, affirme-t-elle.
Virginie doit l’interrompre pour poser une dernière question :
‒ Vous avez l’air proche de vos deux amies. Vous les connaissez depuis longtemps ?
‒ Une dizaine d’années. Nous nous sommes rencontrées dans un cours de danse. C’est important d’avoir des proches qui vous soutiennent dans les moments difficiles. J’ai de la chance.