le mystère de la pointe aux phoques épisode 7

Le mystère de la pointe aux phoques — épisode 7

La troisième grâce se fait attendre. Charlotte en pro­fite pour s’introduire dans la salle.

‒ Alors ? demande l’assistante.

‒ Ça avance.

L’assistante a consulté la météo. Entre « rares averses », « éclaircies » et « pluies éparses », les nuances demeurent mystérieuses.

‒ Tu règles cette histoire en vitesse, et on va faire un tour. J’étouffe. Je manque d’air.

‒ Je dois remplir ma mission, s’excuse Virginie.

‒ Tu parles d’une mission ! Tu ressembles autant à une détective que moi à un pilote de ligne.

Dehors, le ciel vire au blanc. Peut-être le signe annon­ciateur d’un changement de temps.

‒ Tu as raison. Encore deux interrogatoires et je classe l’affaire. Ensuite, on fout le camp. Tes désirs sont des ordres.

‒ Parfait.

‒ Va chercher madame Morteau.

Deux minutes plus tard, le quatrième témoin fait son entrée. Démarche hésitante. Regard doux. Fragile. Une brin­dille. Un fétu de paille. Le moindre courant d’air pourrait l’emporter. Heureusement, les fenêtres sont fermées.

‒ Excusez mon retard. Je me déplace mal, déclare-t-elle.

‒ Prenez votre temps.

‒ Ce n’est pas ce que vous croyez. Je me suis bles­sée ce matin pendant mon entraînement. J’ai trop forcé.

‒ Quel entraînement ?

‒ De karaté. Je prépare le prochain championnat se­nior.

‒ Vous plaisantez ?

‒ Pas du tout. J’ai toujours été active. Je ne peux pas me passer de sport. Je nage. Je marche. J’ai aussi pratiqué la boxe et couru plusieurs marathons. Pas vous ?

‒ Non.

‒ Vous devriez.

‒ Je suis allergique au sport.

Julie Morteau s’assoit en grimaçant.

‒ Vous préférez jouer à la détective, constate-t-elle.

‒ Je dois avouer que j’y prends goût.

‒ Ce serait plutôt à moi d’avouer.

‒ Vous avez quelque chose à vous reprocher ? s’étonne Virginie.

‒ Qui n’a rien à se reprocher ?

Le regard de Julie Morteau pétille.

‒ Que risque la coupable ? s’informe-t-elle.

‒ Lui ou elle sera flagellé en place publique et jeté en pâture aux phoques.

La vieille femme pouffe.

‒ Vous les avez vus ? ajoute-t-elle.

‒ Les coupables ?

‒ Non, les phoques. Ils arrivent lorsque la marée commence à descendre. Ce sont des éclaireurs. Ils sont ve­nus nous observer. Bientôt, ils vont nous envahir.

Virginie explore ses notes. Comment ne pas s’y perdre ? Des flèches relient des mots illisibles.

‒ Depuis quand connaissez-vous madame La­quiche ?

Julie Morteau réfléchit.

‒ Cinq ou six ans, à tout casser, répond-elle. Nous fréquentions le même cours de gym aquatique.

‒ Et madame Froment ?

‒ Depuis l’école. On a fait les quatre cents coups en­semble avant de se perdre de vue. On s’est retrouvées au moment de la retraite.

‒ Vous étiez déjà veuve à l’époque ?

‒ Pour être veuve, j’aurais dû commencer par me marier. Quelle horreur ! J’ai échappé aux joies de la vie conjugale.

Julie Morteau s’esclaffe.

‒ Qu’avez-vous fait après le dîner hier soir ? tente l’écrivaine.

‒ J’ai regardé la télé dans ma chambre. Un jeu dé­bile. Cuisine et chansons. J’aurais mieux fait de dormir. Je suis insomniaque. J’évite de me coucher trop tôt.

‒ Qui a gagné ?

‒ Aucune idée. Ce genre d’émission s’oublie tout de suite.

‒ Vous pouviez changer de chaîne.

‒ Cela ne vous arrive jamais de rester plantée devant un écran à regarder des inepties ?

Virginie mordille le stylo, en signe d’agacement.

‒ Vous n’avez rien remarqué de particulier ? ajoute-t-elle.

Julie Morteau fait mine de réfléchir.

‒ A un moment, j’ai entendu du bruit dans le couloir. J’ai doucement ouvert la porte et j’ai vu…

‒ Quoi ?

‒ Une silhouette qui sortait d’une chambre. Elle te­nait un long couteau ensanglanté.

‒ Vous vous moquez de moi ?

‒ Si peu !

Image de Tumisu pour Pixabay

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